Édition du mercredi 20 décembre 2017
Patrick Chaize : « Il manque la reconnaissance d'un véritable droit à la fibre pour tous »
© Mdf
Le Premier ministre a annoncé le lancement d’un appel à manifestation d’engagements locaux (AMEL) début 2018. Qu’apportent ces zones AMEL ?
Le principe retenu par le gouvernement est simple : si le secteur privé peut en faire un peu plus que les engagements pris dans le cadre de l’appel à manifestation d’intention d’investir (AMII) de 2010, c’est autant d’argent public en moins à sortir. L’idée est donc de compléter les zones privées en examinant celles situées dans le périmètre des réseaux d’initiative publique (RIP) qui n’ont pas fait l’objet d’un marché public, soit environ 5 millions de prises. La grande différence avec les zones AMII est que la zone AMEL ne peut exister sans l’accord des collectivités territoriales concernées. Nous avons d’ores et déjà un cas avec le territoire de Belfort qui s’est mis d’accord avec un opérateur pour qu’il fibre une zone qui était initialement prévue en RIP.
Et les zones AMEL seront opposables…
Oui, c’est le dispositif que j’ai défendu dans la proposition de loi que j’ai déposée au Sénat début novembre pour sécuriser et renforcer les investissements dans les réseaux de communication électronique à très haut débit. Ce dispositif s’appuie sur l’article L 33.13 du Code des postes et communications électroniques. Mais ce dernier a été rédigé pour traiter de la couverture mobile et n’est donc pas applicable en l’état aux réseaux fixes. Il faut donc le modifier. Ces aménagements pourraient être introduits à l’occasion de la discussion du projet de la loi sur le logement. Les nouvelles obligations, qui visent à donner de la lisibilité aux déploiements et à sanctionner les opérateurs défaillants, s’appliqueront aux zones AMEL mais également aux zones AMII pour lesquelles les opérateurs ont signé des conventions de programmation et de suivi des déploiements (CPSD).
Les dispositions sur le recours aux technologies alternatives ne risquent-elles pas de nuire à l’objectif de la fibre pour tous ?
Le discours du gouvernement manque un peu de clarté sur ce point. L’objectif de couvrir 100 % du territoire en fibre en 2025 doit être partagé. Mais je ne suis pas « jusqu’au-boutiste » : il y a bien sûr des exceptions, comme pour l’eau courante ou l’électricité. Certaines habitations très isolées recourent à des installations autonomes sans pour autant que l’on dise que la France n’est pas totalement électrifiée ! Ce que nous souhaitons à l’Avicca, c’est la reconnaissance d’un véritable droit à la fibre pour ceux qui la demande comme il existe un droit à l’antenne. Ensuite, d’ici à 2025, huit ans c’est long. Des solutions transitoires sont nécessaires car on ne peut pas desservir tout le monde en fibre tout de suite. Il faut juste que ces solutions alternatives – boucle locale radio, 4G fixe, LTE, satellite…- ne soient là que pour répondre aux situations d’urgence.
Le Premier ministre n’a pas évoqué la question de la taxation des réseaux fixes ?
L’extension de l’IFER aux prises très haut débit fixe (fibre et câble) résulte d’obligations européennes. Au départ, il s’agissait de taxer le câble, qui en était dispensé de taxe car dédié à l’audiovisuel, puis l’Assemblée nationale a décidé d’étendre cette taxation à la fibre. Discutée à un moment où le gouvernement s’évertue à accélérer les déploiements FTTH, cette disposition tombe plutôt mal. Un amendement du gouvernement dans le PLFR pour 2017 a d’ores et déjà permis d’exempter la fibre de taxe pendant 5 ans. Je vais proposer lors de la discussion au Sénat de limiter la taxation des prises FTTH aux seules « zones fibrées », c’est-à-dire là où il a été décidé d’arrêter le réseau cuivre.
Que savez-vous des négociations avec les opérateurs mobiles évoquées par le Premier ministre ?
Je ne suis pas dans le secret des négociations mais les arbitrages semblent aujourd’hui surtout au niveau de Bercy sur le montant des licences. Côté Avicca, nous sommes d’accord avec les opérateurs sur le fait que l’IFER mobile nuit à l’aménagement du territoire. Il faut donc le plafonner. Ensuite, l’Etat doit faire un effort sur les licences en contrepartie d’obligations de couverture renforcées. Celui-ci ne me parait pas démesuré : je rappelle que les licences ont rapporté jusqu’à présent 5 milliards d’euros à l’Etat. Or il manque environ 15 000 pylônes, à 100 000 euros le pylône, il faut dégager 1,5 milliard d’euros. Au même titre que les collectivités et les opérateurs, « l’Etat doit se faire mal » comme l’a justement exprimé le Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires Julien Denormandie au Congrès des maires.
Propos recueillis par Olivier Devillers
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